22-23 novembre – Jour 1 du convoi auto-vélo de l’est : cap sur le Morvan !

Ca y est, le convoi de l’Est est parti ! Après une soirée d’accueil le 21 et un gros brunch le matin, un premier groupe à vélo d’une quinzaine de personnes s’est mis en route le 22 en début d’aprèm depuis les Lentillères à Dijon, salué comme il se doit… par une averse de grêle, alors qu’il avait fait beau toute la matinée. A l’ouest ils se mangent les keufs, nous on se mange, eh bien, la grêle. Heureusement ça s’arrête vite et les copain.e.s partent direction Malain pour une première étape tranquille (25 km), avant de prendre la route le 23 direction Montbard (60 km).

Pendant ce temps là le reste du convoi moteur a passé une soirée au coin du feu, entre derniers préparatifs logistiques et discussions sur les liens entre catastrophes naturelles/climatiques et attentats terroristes, reliés au sein d’un système de gouvernement carburant à la peur et l’impuissance, dont le seul horizon politique est la gestion/sécurisation des existences.

Ce matin, décollage vers 10h30 direction Vauclaix dans le Morvan ! On est 6-7 véhicules, voitures et camions, et une bonne vingtaine de personnes. Ce qui fait une quarantaine de participants au convoi en tout. Sur la route du Morvan on croise pas mal de voitures de gendarmerie et de motards, qui roulent en sens inverse. Peut-être qu’ils s’attendaient à un énorme convoi bloquant toute la circulation ? Mais non, on est discrets J.

On quitte lentement les contrées dijonnaises pour pénétrer dans le Morvan, saupoudré de neige, où l’on aperçoit déjà les paysages marqués par la sylviculture intensive : plantations débridées de cultures de pin Douglas, de sapins de noël (même dans les petits jardins particuliers) ou de quelques mélèzes et disparition progressive des forêts de feuillus.

On arrive vers 13h au café culturel associatif du Carrouège, juste à côté de Vauclaix. Ce chouette lieu, avec sa bibliothèque, son comptoir en formica et son programme bien chargé (discussions, concerts, marché local, dépôt de pain, journée enfants etc…) a été ouvert par des personnes de l’asso Adret Morvan impliquées dans la lutte contre le projet de scierie industrielle Erscia, lutte victorieuse fin 2013.

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« On a lancé ce café pour proposer un lieu où se rencontrer. Il y avait aussi cet argument, que personnellement je rejette, qui dit « vous vous opposez toujours aux projets mais qu’est ce que vous proposez ? » » explique un des membre de l’asso qui nous accueille. Malgré quelques difficultés interpersonnelles pour lancer le lieu, la place voit le jour en mai 2015, et elle est très accueillante. « C’est qui est bien c’est qu’on y croise des gens qui venaient un peu moins à l’époque de la lutte contre Erscia. Ca brasse pas mal de monde, et ça permet d’aborder des sujets dont on ne pourrait pas parler autre part. Comme les méthodes de sylviculture douce, par exemple. » En tout cas on s’y sent très bien et on est accueillis par des ami.e.s du Morvan et une gigantesque soupe de légumes !

A la découverte des ravages de la sylviculture intensive

 Bien requinqués on s’embarque pour une ballade en forêt, pour comprendre sur le terrain les ravages de la sylviculture intensive. Mélusine d’Adret Morvan (les prénoms ont été changés) et la chienne Dragonette (idem) débordant d’énergie nous accueillent dans la forêt du bois de l’étang juste au dessus de Pragny. Pendant trois heures on se ballade avec les commentaires de Mélusine et d’autres copain.e.s qui connaissent bien les bois du Morvan. On découvre et on sent, sur place, ce que ça veut dire que de traiter les forêts comme des champs d’arbres, de simplifier et standardiser le vivant pour l’adaptation à la demande économique. Car le massif du Morvan est considéré comme une grosse zone de production sylvicole : du coup les plantations rectilignes de pin Douglas ou de mélèzes grignotent de plus en plus sur la forêt originelle du Morvan, mêlée de hêtres, de charmes, de châtaigner, de chênes et de houx. Quand on se promène dans ces parcelles de résineux, le silence feutré des pas sur les tapis d’épines ou de mousses contraste avec la fraîcheur frottée des tapis de feuilles mortes.

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Et puis il y a les coupes rases, le mode de gestion sylvicole privilégié – alors que d’autres pratiques existent comme la gestion sous futaie irrégulière (avec des mosaïques de prélèvement en fonction des âges et des essences pour favoriser l’équilibre de la forêt). Même sur des zones humides on rase, on met en andain ce qui n’est pas utilisable pour le bois d’œuvre ou de chauffe, et puis on replante des douglas rectiligne et hyper dense. On attend 30-50 ans (de moins en moins au gré de l’augmentation de la demande), on recoupe, on replante. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que les sols trop acidifiés par les résineux ne puissent plus accueillir de nouvelle plantation sans amendements ou engrais. « On fait comme pour la céréaliculture intensive, sauf qu’ici c’est avec des arbres et qu’on fait des rotations tous les 40 ans pour les pins Douglas, et encore moins de temps pour les sapins de Noël, qui sont traités jusqu’à 7 à 8 fois dans l’année. Et puis ça ne s’arrêtera pas là, car leur but ultime c’est de réduire les temps de rotation au maximum, ils sont en train de faire des recherches sur l’acacia robinier ou d’autres essences pour produire le plus possible en le moins de temps possible… ».

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On voit aussi pas mal de taillis qui se développent sur friches non replantées, ou des plantations de Douglas non entretenues. Après la monoculture de pins presque sinistre, on respire mieux en voyant ces fouillis de fougères, ronces, genêts et bouleaux. « Souvent ces friches non replantées c’est des petits propriétaires retraités qui se sont fait piéger par des commerciaux qui leur promettent un gros chèque à la coupe, mais qui ne remplissent pas le dossier de subvention pour la replantation après coupe. L’état subventionne 900 millions d’euros par an pour planter ces champs de Douglas… »

Mélusine nous montre aussi les rares arbres pluri-centenaires qui restent dans cette forêt, un bel hêtre et deux chênes d’environ 300 ans. « Un grand drame de l’industrialisation de la forêt c’est que la forêt rajeunit. Il y a de moins en moins d’arbres morts, de moins en moins d’organismes décomposeurs (insectes mangeurs de bois, vers de terres, etc…). Concrètement les cycles de renouvellement ne sont plus respectés, la forêt s’appauvrit, la qualité des sols, des eaux… »

Chemins faisant (chemins communaux recouverts de feuilles et d’humus, chemins privés bitumés et subventionnés qui artificialisent les sols et facilitent le passage des machines, et chemins à nus, bosselés, que les quads ravinent pour le plus grand bonheur des amateurs de « loisirs verts »…), quelques un.e.s cueillent des champignons. Ce soir, à côté de la soupe, on aura une petite omelette aux chanterelles. Et, bien sûr, nos amis fongiques ne poussent pas tellement sous les champs de pins : car réduire les forêts à des champs d’arbres c’est aussi détruire tous les usages possibles, tous les mondes secrets des promeneurs, druides, et lichens… Chemins faisant toujours, d’autres en profitent pour faire leur « geste citoyen » en « éclaircissant » à mains nues de jeunes plantations de Douglas qui ne demandent qu’à disparaître pour laisser place au multiple qui vit. Cric, crac, rejoins-nous dans le convoi de l’est et toi aussi préserve la forêt avec ton éco-geste citoyen !

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Après cette ballade dans les bois, on comprend mieux la grande arnaque qui consiste à dire que la forêt française augmente et n’a jamais été aussi vaste, et qu’il faut donc la « valoriser », etc. « C’est complètement faux, puisqu’on qualifie de « forêt » ces champs d’arbres en monoculture. Ce qui grandit c’est la sylviculture intensive. Tout le reste, toute la mémoire des forêts, disparaît à son profit. » Et on sent la nécessité de s’organiser pour lutter, dans le Morvan et ailleurs, contre la prédation capitaliste et industrielle pour d’autres usages de ces espaces. Des extraits sonores seront bientôt disponibles et mis en ligne sur le site !

Le soir : repas et discussion sur les usages de la forêt

Retour au Carrouège pour se réchauffer, prendre un gros goûter puis à nouveau une délicieuse soupe. La salle est bondée, pas mal de gentes sont venu.e.s dire bonjour et ça fait plaisir. Puis, tranquillement installés autour de la table nous avons discutés des usages de la forêt, de comment tisser des passerelles entre métropoles et « zones vides » à ré-habiter, etc… Les petites notes seront bientôt publiées ! Tout le monde part se coucher chez des copain.e.s du Morvan et on se donne rendez-vous le lendemain matin sur le site de la ZAD du Bois du Troncay, pour une discussion collective sur cette lutte à partir de témoignages !

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